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Satirino records · Beethoven - Piano Concertos Nos 2 & 4

Concerto pour Piano & Orchestre No. 2 en Si bémol majeur Opus 19

Concerto pour Piano & Orchestre No. 4 en Sol majeur Opus 58

Barry Douglas    piano & direction
Camerata Ireland

Satirino records SR051 - sortie le 27 octobre 2005

Enregistré à
The Mahoney Hall, The Helix, Dublin. 9 & 10 vi 2005
Piano
Steinway
Enregistré par
Musica Numeris
Direction artistique
Simon Fox-Gál
Ingénieur du son
Koichiro Hattori
AssistantJustin Marcus
MontageSimon Fox-Gál
Design
le monde est petit
Images ‘Fog over Cliffs of Moher’ © Alen MacWeeney / CORBIS
Camerata Ireland & Barry Douglas - Eugene Langan www.eugenelangan.com

Revues de presse

Douglas est le plus rêveur.... sa version sonne comme s’il avait dormi avec la partition et s’était réveillé amoureux d’elle. On observe une logique expressive d’un grand naturel dans son jeu ainsi que dans l’occasionnelle désynchronisation des mains’.
Rob Cowan, Gramophone

‘Si vous êtes sur le point de renouveler votre collection de concertos de Beethoven ou encore juste de la commencer, ce nouvel enregistrement est un must.’
Laurence Vittes, Audiophile

Texte de présentation

Pour savourer pleinement un concerto de Beethoven, l’auditeur contemporain serait bien avisé d’entreprendre un petit voyage à travers le temps afin de se mettre à la place du public qui découvrit cette musique pour la première fois. Pour ce faire, trois approches qui se démarquent sensiblement de l’état d’esprit qui prévaut aujourd’hui, s’offrent à nous.

En tout premier lieu, rappelons que les circonstances dans lesquelles les cinq concertos furent composés et interprétés par le compositeur lui-même sont assez éloignées de tous les clichés de l’imagerie populaire du XXe siècle qui nous présente une œuvre « fixée » et « canonisée ». À l’époque l’improvisation était un art à part entière, et Beethoven lui-même était plus connu pour ses improvisations pianistiques que pour ses compositions. Prenons, par exemple, le quatrième concerto, dont un éditeur avait déjà commencé de mettre sous presse les parties pour orchestre, alors même que la partie solo n’était pas encore écrite. Beethoven jouait sans partition, non pas tant de mémoire qu’en improvisant, un peu à la manière d’un pianiste de jazz dirigeant un morceau déjà bien connu de ses musiciens.

En deuxième lieu, il convient de souligner que l’oreille du public de l’époque était bien exercée, et donc familière des variantes concertantes pouvant découler de la forme sonate, à l’aune de laquelle tout nouveau mouvement était mesuré. Lorsqu’il découvrait une œuvre nouvelle, l’auditeur cherchait à comprendre comment le compositeur avait réussi à introduire la forme sonate dans un concerto. Le danger étant que chaque mouvement devait être joué deux fois : la redoutable double exposition.

Enfin, il convient de s’attarder un instant sur les modèles dont Beethoven s’est inspiré : n’oublions pas que la composition du « second » concerto débuta dans les années 1790, époque cruciale à laquelle Mozart n’avait pas encore produit tous les siens, et où le dialogue s’instaura entre le jeune compositeur et Haydn. Jusqu’à quel point s’est-il inspiré des innovations de ses deux aînés ? Il va sans dire que la série de concertos pour piano composés dans les années 1780 par Mozart a laissé des traces, de même que les dernières symphonies débordantes d’ingéniosité de Haydn, auxquelles il fut initié par le maître lui-même et qu’il ne se priva pas de piller.

En fait, le second concerto pour piano fut le premier jamais écrit par Beethoven. Mis en chantier en 1793, il fut présenté au public l’année suivante. La première d’une version remaniée fut donnée par le compositeur lui-même à Prague, en 1798. Le musicien Tchèque Vàclav Tomàšek qui était présent, fut dit-on tellement bouleversé par la prestation de Beethoven, qu’il fut incapable de jouer la moindre note de musique pendant plusieurs jours. Il avait, à sa grande stupeur, décelé un désir évident d’originalité de la part du compositeur – une observation dont le degré de pertinence lui échappait peut-être. En fait, le goût de plus en plus marqué de Beethoven pour le grandiose semble procéder de la même dynamique que celle qui mena de l’équilibre idéalisé du modèle classique à l’irrationalité du romantisme : au lieu de s’y conformer, le compositeur s’ingéniait à tordre le cou aux conventions. D’un autre côté, on peut observer rétrospectivement que, dès l’instant que le principe de la sonate était un concept plus évolutif que statique, le désir de transgression à l’intérieur même des limites qu’il s’était fixé devenait inéluctable.

D’aucuns voient dans le premier mouvement du Concerto en Si bémol les influences à la fois de Mozart et de Haydn. Roger Fiske, auteur du BBC Music Guide, estime que « c’est indiscutablement l’œuvre de Beethoven la plus fortement influencée par Haydn – dans la mesure où le premier emprunte aux symphonies du second ses changements de tonalités aussi fréquents qu’inattendus – et notamment dans les N° 93-98 (1). D’autres commentateurs pointent du doigt les similitudes avec les concertos que Mozart composa dans les années 1780. La structure en question-réponse de l’ouverture, en particulier, est typiquement mozartienne, et fut à l’époque considérée comme une recherche d’équilibre, ou de conflit, entre des éléments contradictoires.

Certains exégètes contemporains de Beethoven, analysèrent ce conflit comme une opposition homme-femme – un point de vue repris récemment pas les critiques qui s’intéressent à l’étude des genres. Ainsi, la rythmique anguleuse, volontaire, et ponctuée d’arpèges du motif d’ouverture serait un élément masculin, alors que le lyrisme exalté par les premiers violons du thème suivant, serait plus féminin, alternant gammes et appogiatures au sein d’une dynamique plus légère. Pour qui conteste le point de vue de certains critiques féministes qui affirment que la forme sonate est par essence même patriarcale (parce que la tonalité en est masculine – et que bien souvent la teneur masculine l’emporte sur l’autre) ce mouvement constitue l’exemple même de l’interaction entre autorité et lyrisme poussée à son degré le plus absolu.

L’auditeur qui aime être surpris ne sera pas déçu – car Beethoven s’y montre fidèle à sa réputation de « déviant ». Une cadence à la dominante parfaitement carrée s’impose l’espace d’une minute dans le mouvement nous laissant entrevoir de nouvelles esquisses dans la tonalité principale. Mais à la place, Beethoven nous livre trois accords chromatiques joués pianissimo un demi-ton au-dessus de la dominante, et qui font place à une nouvelle tonique sur laquelle se développe une section contrapuntique. Basée sur le thème « féminin » évoqué ci-dessus, elle sonne comme une section développée à l’intérieur du mouvement initial.

Le piano fait son entrée, avec un Eingang mozartien, et semble prêt à prolonger l’humeur féminine, quand soudain il dégringole en cascade vers une cadence masculine qui reprend le développement d’ouverture ponctué de notes brèves (dans lequel Fiske voit la marque de fabrique de Haydn). C’est la partie solo qui va nous fournir le second thème, signalé par des trilles et caractérisé par des triolets. Là encore, Beethoven déjoue nos attentes avec la même tonalité « fruste », en Ré bémol, qui s’est déjà imposée avec tant d’audace au début du mouvement. Et ce n’est pas la dernière fois que cette bémolisation intempestive va imprimer sa marque à la structure tonale, car dans la réexposition, le Sol bémol majeur fait une brusque apparition pour d’autres variations sur le thème féminin.

Le largo est un mouvement en forme d’aria qui rappelle les mouvements les plus lents des concertos de Mozart où le soliste et les instruments à vent s’emploient à tisser ensemble une série d’ornements avec ou autour du thème central. Chose inhabituelle, une sorte de cadence est imprimée au mouvement. Après le signal convenu d’une deuxième inversion de l’accord à la tonique, le piano introduit une section en forme de récitatif « con gran espressione », qui nous parvient tout d’abord nimbé par le jeu de la pédale forte. Tout comme pour un accompagnato, les cordes nous rapportent des fragments discrets et dépouillés du thème, puis, soudain, un ornement à la flûte surgit, inattendu - et céleste - et amène le mouvement à sa conclusion.

Le Rondo fait partie de ces mouvements beethoveniens où le bouleversement est plus rythmique qu’harmonique. En mettant l’accent sur la seconde croche, ses sforzando d’une espièglerie toute haydnienne créent un effet volontairement disgracieux, et ce n’est que lorsque le mouvement est déjà bien entamé que nous réalisons qu’il s’agit d’un final somme toute assez conventionnel en six-huit, en forme de sonate-rondo dont le second sujet, une mélodie à la fois simple et prenante, est introduite par le soliste.

Transgressions, déviations, astuces – ce quatrième concerto reflète au mieux le rapport de plus en plus personnel que Beethoven entretenait avec la musique classique. On peut affirmer sans craindre de se tromper que personne avant lui n’avait entamé un concerto pour piano sur une poignée d’accords joués dolce et piano (2). Et si le concerto en Ré bémol majeur contenait encore certains éléments empruntés à Haydn et Mozart, celui en Sol majeur ne porte assurément d’autre marque que celle de Beethoven.

Il n’est pas vain de tracer une ligne de comparaison entre les premiers mouvements des concertos en Si bémol et en Sol majeur. Nous avons déjà évoqué les tonalités déroutantes du premier. Dans ce cas précis, ce sont les dièses qui donnent leur caractère au mouvement, en menant rondement l’exposition du thème afin d’asseoir fermement la tonique. Ici, dès la sixième mesure, nous retrouvons les cinq dièses à la clé du Si majeur. Un second thème, qui multiplie les modulations, fait son apparition au-dessus de la tonique, avant de s’éparpiller en maintes directions.

Mais au-delà de ces secrets de cuisine, le plus important demeure le lyrisme échevelé du mouvement. Le concerto date de 1805, une année après le sombre troisième concerto en Do mineur, et à mi-chemin de la Deuxième Symphonie et de la Symphonie dite Héroïque. Si l’on regarde de près son style pianistique de l’époque (la majeure partie de ses sonates ont déjà été écrites) on constate que ce concerto arrive après le « Waldstein » et qu’il est plus ou moins contemporain de l’ « Appassionata » : l’œuvre pour piano de Beethoven est déjà à un stade avancé alors qu’il n’en est qu’à l’Opus 2 de ses concertos lorsqu’il compose son concerto en Si bémol.

Dans ce mouvement où les thèmes se succèdent dans toutes sortes de tonalités différentes, on ne retrouve pas la structure question-réponse de manière évidente. L’un des thèmes est d’abord introduit par l’orchestre au complet (qui comporte désormais deux clarinettes), sur l’accord dominant de septième, reproduit à la basse : un astucieux tour de passe-passe qui permet au morceau de trouver sa dynamique. L’improvisation, dont nous avons déjà dit qu’elle était la pierre de touche de l’oeuvre de Beethoven, est particulièrement sensible dans la première entrée du piano où le soliste semble ne jouer que sur un tout petit morceau de la trame précédemment exposée.

Le soliste se délecte des notes aiguës ajoutées de fraîche date au pianoforte par les facteurs viennois, qui ont en outre doté chaque note d’un jeu de trois cordes, sauf dans le registre le plus grave, et élargi ainsi son étendue à six octaves. La partie espressivo est remarquable dans le registre haut, et ne l’est pas moins sur un Steinway de facture moderne. Con ventionnel, mais tout aussi imaginatif, est le passage virtuoso du soliste, souvent au-dessus de la basse Alberti de l’époque classique.

L’Andante con moto reste cependant une énigme sur laquelle les recherches menées par le musicologue américain Owen Jander ont contribué à jeter quelque lumière. Ce dernier argue de manière assez convaincante qu’il s’agit de la pièce la plus « programmatique » jamais écrite par Beethoven. Sa thèse, exposée dans deux articles de la revue 19th Century Music (3), s’inspire des travaux du musicologue allemand Adolph Bernard Marx qui, dans son Ludwig van Beethoven, Leben und Schaffen (Berlin, 1859), établit un parallèle entre ce mouvement lent et le mythe d’Orphée d’après Virgile et Ovide, dont se sont inspirés des compositeurs d’opéra, dont Glück et quelques autres de moindre renom. Jander en vient à la conclusion que ce mouvement – singulièrement court, et facile à jouer (pour un concerto s’entend) et qui contient des indications de jeu témoignant des récentes modifications apportées aux pianos viennois est, dans son essence, une transposition métaphorique des mésaventures d’Orphée cherchant sa bien aimée Eurydice en enfer. Son argument est convaincant, en particulier quand on s’intéresse à l’usage que Beethoven fait de la pédale una corda qui, sur les pianos de l’époque (tant viennois qu’anglais) permettait à l’instrumentiste de faire sonner selon son humeur une, deux ou trois cordes à la fois. Beethoven indique les diverses étapes de transformation en stipulant le recours à la pédale, et Jander estime que le changement le plus radical, celui où Orphée se retourne pour regarder Eurydice, est indiqué par un trille monodique où le son jusque là una corda est modulé en due puis tre corde. À d’autres moments, il entend le son de la harpe d’Orphée, ainsi que trois claquements de tonnerre mentionnés par diverses sources. Pour ceux qui recherchent le « sens », et tous ceux pour qui la musique de Beethoven est sa meilleure biographie, les articles de Jander sont incontournables.

Dans le Rondo, Beethoven joue sur l’harmonie pour déjouer nos attentes. Il nous semble démarrer en Do majeur, la « mauvaise » tonalité. La première impression se confirme, mais le piano persiste, et s’entête à ne jamais aborder aucun thème dans la « bonne » tonalité. Ce recours extraordinaire mais néanmoins efficace à ce qui n’est somme toute qu’une cadence plagale, va s’imposer comme l’un des traits distinctifs d’un mouvement qui nous réserve quantité de surprises. En entendant vrombir le piano d’un bout à l’autre du clavier on s’attend à un développement, à cela près que toutes les sections semblent avoir disparu. Une fois de plus, les notes les plus hautes de cette nouvelle tessiture sont mises en exergue et explorées. C’est la propre cadence de Beethoven qui a été reprise dans le présent enregistrement, et l’auditeur notera que l’orchestre a été étendu et qu’il comprend, pour le final uniquement, des trompettes et des timbales.

Richard Langham Smith 

Traduction – Martine-Céleste Desoille

(1) Roger Fiske: Beethoven Concertos and Overtures, BBC Music Guide, (Londres, 1970)

(2) J’ai une fois vu un célèbre soliste jouer l’ouverture assis de guingois sur son siège : un coup de maître !

(3) Owen Jander: ‘Beethoven’s “Orpheus in Hades”: The Andante con moto of the Fourth Piano Concerto’, 19th Century Music, Printemps, 1985, pp. 195–212, et ‘Orpheus Revisited: A Ten-Year Retrospect on the Andante con moto of Beethoven’s Fourth Piano Concerto’, ibid. Eté, 1995, pp. 31–49

Liste des plages

Concerto pour Piano et Orchestre No. 2 en Si bémol majeur Opus 19 [29’00]

1 - Allegro con brio [14’15]
2 - Adagio [8’50]
3 - Molto Allegro [5’55] 

Concerto pour Piano et Orchestre No. 4 en Sol majeur Opus 58 [32’32]

4 - Allegro Moderato [17’29]
5 - Andante con moto [5’11]
6 - Rondo: Vivace [9’52] 

Total CD 61’48